Quand la criminalité rapporte : Les apprentissages réalisés dans les activités criminelles mobilisés dans le processus d’insertion professionnelle.

Notice bibliographique

Pariseau, M.-M. (2018). Quand la criminalité rapporte : Les apprentissages réalisés dans les activités criminelles mobilisés dans le processus d’insertion professionnelle. Mémoire de maitrise en orientation, Université de Sherbrooke, Sherbrooke.

Résumé

Ce mémoire par article se penche sur les apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles mobilisés dans le processus d’insertion professionnelle chez de jeunes adultes diplômés ou non. Plusieurs auteurs soutiennent que le processus d’insertion professionnelle des jeunes adultes est complexe et multidimensionnel (Goyette et Turcotte, 2004 ; Trottier, 2001). Afin d’avoir une compréhension plus fine de ce processus, notamment chez de jeunes adultes, il importe de s’attarder sur leur rapport au travail (Dubar, 2001) et sur ce qui se déroule au sein de leurs différentes sphères de vie (Goyette et Turcotte, 2004). Au sein de la sphère de vie professionnelle plus spécifiquement, des activités liées à l’économie informelle qui comprend notamment des activités délinquantes et criminelles (Bureau et Fendt (2010) pourraient avoir une influence certaine sur le processus d’insertion professionnelle. Ici, des jeunes adultes, diplômés ou non peuvent être tentées de s’investir dans des activités délinquantes et criminelles pour pallier les difficultés liées à l’insertion sur le marché du travail (McCarthy et Hagan, 2004). Car, malgré le degré de dangerosité associé à l’exercice de ces activités, il est possible d’en retirer des avantages variés (Charrette, 2010): des gains financiers, une reconnaissance symbolique et la réalisation d’apprentissages variés. En ce qui concerne la réalisation d’apprentissages variés, si des écrits relatent les apprentissages réalisés nécessaires à l’exercice d’activités criminelles, peu d’écrits s’attardent sur les apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles et qui sont mobilisés dans le processus d’insertion professionnelle, car leur caractère illégal rend leur reconnaissance formelle impossible (Roy et Hurtubise, 2004). En effet, le casier judiciaire constitue un enjeu important en ce qui a trait à l’employabilité auprès de la population judiciarisée (Pager, 2003). Pourtant, dans une perspective d’apprentissage tout au long et tout au large de la vie (Delors, 1996), les apprentissages réalisés dans des activités criminelles pourraient influencer le processus d’insertion professionnelle chez des jeunes adultes, voire pallier à l’impact souvent négatif que peut avoir le casier judiciaire sur leurs recherches d’emploi et leur insertion professionnelle. Ainsi, l’objectif général de cette recherche est d’établir en quoi la mobilisation des apprentissages réalisés dans les activités criminelles par de jeunes adultes participe ou non à leur processus d’insertion professionnelle. Les éléments théoriques mobilisés dans le cadre de cette recherche pour répondre à l’objectif général de recherche sont la modélisation du système d’activité d’Engeström (2001) et son concept de franchissement des frontières (1995). Ici, la catégorisation des activités criminelles du Ministère de la Sécurité publique (2015) et les caractéristiques du processus d’insertion professionnelle selon Vincens (1997) permettent de circonscrire les activités criminelles et les activités liées au processus d’insertion professionnelle chez des jeunes adultes diplômés ou non. La modélisation du système d’activité d’Engeström sert ensuite à comprendre les différentes caractéristiques et composantes de ses activités. C’est d’ailleurs par cette modélisation qu’il est possible de cibler certains apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles. Puis, le concept de franchissement des frontières est utilisé, au regard des difficultés rencontrées par les jeunes adultes dans la réalisation d’activités liées au processus d’insertion professionnelle pour comprendre de quelle manière certains apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles sont mobilisés dans des activités liées au processus d’insertion professionnelle. À ces égards, trois objectifs de recherche ont été établis afin de répondre à l’objectif général de recherche : Identifier et décrire les activités criminelles de jeunes adultes et les apprentissages qui y sont liés; identifier et décrire le processus d’insertion professionnelle de jeunes adultes et les activités qui y sont liées; cibler des apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles mobilisés dans le processus d’insertion professionnelle. Au regard des objectifs spécifiques et de l’objectif général de cette recherche, celle-ci repose sur un devis qualitatif. La stratégie de recrutement préconisée a été l’échantillonnage volontaire non probabiliste par réseaux en raison notamment de la difficulté à approcher des personnes possédant les critères d’inclusion de la recherche : être âgé(e) de plus de 18 ans, avoir réalisé une ou des activités délinquantes et/ou criminelles et avoir été jugé(e) pour celles-ci et résider dans la région de l’Estrie. Nous avons utilisé le site Facebook pour approcher différentes personnes qui seraient susceptibles de connaître des gens qui répondaient aux critères d’inclusion. Quatre participants ont été recrutés ainsi. Puis, deux autres participants ont été approchés au sein d’une maison de transition. Une compensation monétaire de 30 dollars était offerte lors des entretiens. L’échantillon de cette recherche est constitué de six personnes de sexe masculin âgées de 21 à 40 ans (moyenne d’âge : 26 ans). Trois participants n’ont pas leur diplôme d’études secondaires : un a arrêté après le secondaire un, un après le secondaire deux et le troisième après le secondaire quatre. Les trois autres participants ont complété des études secondaires, dont deux des études professionnelles. La collecte de données s’est déroulée de décembre 2016 à mars 2017 sous forme d’entretiens semi-dirigés appuyés par un guide d’entretien. Les entrevues, d’une durée variant entre 111 minutes et 183 minutes ont été réalisées dans une maison de transition (n=2), dans un établissement d’enseignement (n=2) et chez les participants dans des pièces fermées (n=2). Une analyse inductive délibératoire (Savoie-Zajc, 2004) des données a été réalisée, puis une retranscription intégrale des entretiens (Demazière et Dubar, 1997) et une analyse thématique des données (Paillé et Mucchielli, 2012). Puis, des fiches synthèses ont permis une analyse transversale des données pour faire ressortir les particularités du discours des participants et discerner des apprentissages mobilisés qui n’avaient pas été rapportés lors des entretiens. À la lumière des analyses effectuées à partir de la conceptualisation de l’activité humaine d’Engeström, (2001), les résultats de cette étude montrent d’une part les composantes des activités criminelles (cinq des six participants ont abordés la vente de drogue comme activité criminelle et le sixième participant a abordé une invasion à domicile) ainsi que les apprentissages qui y sont réalisés : capacité d’analyse et d’observation, aptitudes en calcul mental, en vente et à créer des liens facilement avec les autres pour offrir un bon service à la clientèle. Le cadre d’analyse permet également de conceptualiser les composantes des activités liées au processus d’insertion professionnelles abordées par les jeunes adultes rencontrés comme trouver des milieux de travail potentiels et leur faire parvenir leur curriculum vitae. La retombée associée à ces activités, soit d’obtenir une entrevue d’embauche et de rencontrer l’employeur s’avère difficile, voire impossible puisque selon eux, leur casier judiciaire constitue un obstacle important à la réalisation de ces activités. Ici, le concept de franchissement de frontières d’Engeström (1995) a permis de comprendre de quelle manière certains apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles sont mobilisés afin de compenser l’impact que peut avoir leur casier judiciaire dans leur recherche d’emploi et lorsque ceux-ci tentent de s’insérer professionnellement. Se pencher sur ces apprentissages offrirait un soutien plus adapté aux personnes judiciarisées en ce qui concerne leurs enjeux d’insertion et ainsi relancer les réflexions sur les interventions adoptées auprès de ces individus. Cette recherche contribue également à cet effort scientifique mené dans plusieurs champs disciplinaires de faire sortir de l’invisibilité sociale des apprentissages que réalisent des populations vulnérables sur qui pèse souvent un regard normatif.

Hyperlien

http://hdl.handle.net/11143/13231

Membres du CÉRTA impliqués

Marie-Michelle Pariseau

Centre d’études et de recherches sur
les transitions et l’apprentissage
Université de Sherbrooke
Faculté d’éducation
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